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Pédagogie collégiale, vol. 18, no 3, mars 2005, p. 31-34. -- N° Repère: A562711

Rendre compte de sa recherche de façon captivante!

Tiré à part

Vous avez réalisé une recherche ou des travaux qui s'y apparentent et vous souhaitez en rendre compte à un public élargi, non spécialiste du domaine, soit par la rédaction d'un article ou par une communication orale. Il vous faut donc maîtriser les principes de base d'une bonne communication de vulgarisation.

Même si vous avez de bonnes aptitudes à la communication, cela ne garantit pas que vous saurez bien vulgariser. La vulgarisation scientifique exige le respect de règles bien précises et la maîtrise d'un certain nombre d'outils, voire de trucs. C'est un art qui s'apprend. C'est par la pratique que l'on devient un bon vulgarisateur. Faites donc l'essai des suggestions et des trucs que nous vous proposons dans cet article.

Cet article est une adaptation d'un texte tiré du site du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) intitulé Comment bien vulgariser [http://www.crsng.gc.ca/seng/how4fr.htm]. Les exemples du domaine de l'éducation sont tirés de divers textes déjà parus dans la revue Pédagogie collégiale.

Comment vulgariser en bref

- Votre public est déjà submergé d'information. Pourquoi devrait-il vous écouter? Sachez capter son intérêt en lui racontant une histoire qui le touche et rejoint ses préoccupations. Essayez également de faire le lien avec l'actualité.

- N'oubliez jamais de donner un caractère humain à vos propos. Parlez de vos succès, mais aussi de vos échecs. Sachez communiquer votre passion.

- Ne cherchez pas à tout dire. Limitez-vous à quelques éléments clés.

- Exprimez-vous simplement, en utilisant le moins de mots techniques possible.

- Soyez concret: donnez des exemples, précisez l'information au moyen de chiffres et de tableaux ou comparez les données présentées avec d'autres données mieux connues du public.

- Sachez rendre votre propos vivant et imagé en utilisant des analogies et des métaphores, en ayant le sens de la formule, en introduisant un peu d'humour ou en l'émaillant de quelques anecdotes.

- N'hésitez pas à documenter visuellement (photos, figures, vidéos) vos recherches et soignez tous les éléments visuels que vous utiliserez.

Les règles de base

Raconter une histoire

La vulgarisation scientifique vise d'abord à apporter de l'information au public, à lui insuffler le goût d'apprendre, non à l'instruire. Pour ce faire, il faut savoir raconter une histoire et partager une aventure, la vôtre. Pourquoi vous intéressez-vous à tel domaine de recherche? Quelles sont les questions qui restent sans réponses? Quels sont les enjeux de vos travaux? À quels obstacles vous êtes-vous heurté? Les résultats obtenus étaient-ils étonnants? Quelles en sont les retombées? Auront-ils une incidence sur la vie des gens? Et comment? Voilà ce que le public veut savoir.

Se soucier du public

Dans le domaine de la vulgarisation, le public n'est jamais acquis d'avance. Contrairement à vos pairs, les gens ne sont pas tenus de vous lire ni de vous écouter. À vous de les en persuader! Vous devez vous soucier des gens qui vous liront ou de votre auditoire. Qui sont-ils? Pourquoi devraient-ils s'intéresser à ce que vous faites? Votre objectif n'est pas de vous faire valoir en étalant vos connaissances, mais plutôt de communiquer celles-ci au public en tenant compte, d'abord et avant tout, de ce qu'il désire.

Circonscrire le sujet

Vous vous êtes peut-être déjà demandé comment vous y prendre pour résumer vos travaux en quelques minutes ou en quelques pages. Détrompez-vous, vulgariser les connaissances, ce n'est pas les résumer. Personne ne veut tout savoir de vos recherches et vous devez absolument circonscrire un sujet, et un seul, en ne retenant que les éléments les plus pertinents, les plus accrocheurs. Si votre sujet est trop vaste, vous livrerez un message descriptif, ennuyeux et sans aucun intérêt. De surcroît, en pareil cas, la personne en charge de l'édition, de la réalisation ou de l'organisation pourrait bien être contrainte de l'amputer pour tenir compte des contraintes d'espace ou de temps.

[début de la p. 32 du texte original]

Structurer le propos

Toujours dans le but de capter et de maintenir l'intérêt du public, la présentation de l'information en vulgarisation scientifique diffère totalement de celle d'une communication savante (introduction, méthodologie, résultats, discussion, conclusion). Par exemple, au lieu de faire état de vos résultats à la fin, vous devez les présenter brièvement au début. Ces résultats vous servent d'«appâts» en quelque sorte - ils informent le public de la pertinence de vos travaux et surtout de leur nouveauté. Vous pouvez également amorcer votre propos en présentant des données ou des faits marquants qui frapperont l'imagination (à titre d'exemples, des statistiques sur la réussite des élèves, des données sur l'importance des cours de la formation générale, la popularité croissante des TIC, la réussite des filles comparativement à celle des garçons, pour ne citer que ceux-ci).

Par ailleurs, au lieu d'exposer une théorie puis de l'illustrer au moyen d'exemples, vous pouvez vous servir des exemples pour introduire la théorie. Un cas particulier retient beaucoup plus l'attention qu'une généralité et il se comprend plus facilement. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les journalistes emploient constamment ce procédé (par exemple, en racontant l'histoire d'un individu pour présenter un problème vécu par toute une collectivité).

Enfin, si la méthode que vous avez employée intéresse vos pairs, elle ne signifie pas grand-chose pour le grand public, qui veut avant tout connaître les résultats de vos travaux et leurs répercussions dans la vie de tous les jours.

S'exprimer simplement

En vulgarisation, l'objectif n'est pas de jouer les savants ni les professeurs. Avant d'utiliser un terme technique ou une expression appartenant au jargon de votre discipline, vous devez donc toujours vous demander si cet usage est vraiment indispensable. Ne peut-on pas remplacer ce terme, cette expression, par un synonyme plus révélateur? Par exemple, pourquoi parler des effets iatrogènes d'un médicament, plutôt que de ses effets secondaires? Pourquoi appeler le couguar par son nom scientifique Felis concolor? Pourquoi ne pas substituer les multiples significations d'une idée à la polysémie d'un concept. Seuls les termes et expressions techniques essentiels aux explications doivent être gardés, et il faut bien prendre soin de les définir chaque fois.

Par ailleurs, il est important d'alléger votre propos le plus possible en évitant les détails et les précisions inutiles. Par exemple, pourquoi dire que l'horloge interne est une structure bilatérale interne du cerveau, si la notion de bilatéralité n'est jamais reprise par la suite? Un bon exercice consiste à essayer de couper le plus de mots possible sans déformer l'explication. Très révélateur!

Être concret

En vulgarisation, il importe de s'exprimer le plus concrètement possible. Les phrases vagues et les généralités sont à éviter. Que faire? Plusieurs moyens s'offrent à vous, notamment préciser l'information avec des chiffres ou avec des tableaux ou comparer les données présentées avec d'autres données mieux connues du public.

EXEMPLES

La nanotechnologie se définit selon l'échelle spatiale, c'est-à-dire le nanomètre ou milliardième de mètre. C'est petit, très petit. Une feuille de papier fait 100.000 nanomètres d'épaisseur!

Les régions arides occupent de 33 à 37% des terres émergées, soit une superficie d'environ 45 millions de km2 ou cinq fois l'Europe.

Donner des exemples

Le recours à des exemples constitue une autre façon très efficace de concrétiser l'information et d'en faciliter la compréhension. À la limite, toute généralité et tout énoncé théorique devraient être accompagnés d'un exemple. L'exemple peut également servir à préciser le sens de certains concepts, au lieu de les définir en détail.

EXEMPLES

Le matériau obtenu possède des propriétés exceptionnelles. Par exemple, il est environ 100 fois plus rigide que l'acier.

Dans les tourbières, les mousses constituent un épais tapis végétal d'où émergent divers autres végétaux, tels le thé du Labrador, l'épinette noire et certaines plantes insectivores.

Tous les cours ont eu le mandat d'intégrer l'éducation interculturelle dans les mises en situation ou dans les exercices proposés; par exemple, en utilisant des noms d'enfants fictifs provenant de toutes les origines.

[début de la p. 33 du texte original]

Quelques outils de la vulgarisation scientifique

L'analogie

L'analogie permet d'expliquer un élément complexe ou technique en le comparant à un autre plus familier. Elle rend également votre propos plus imagé, plus vivant.

EXEMPLES

Ce système de routage cellulaire s'apparente à une sorte de «code postal»: la présence d'une ou de plusieurs molécules clés sur la membrane des cellules permet de guider ces cellules avec la même précision que le code à six chiffres et lettres, utilisé pour l'acheminement du courrier.

Le cartilage, matière un peu molle et élastique, forme une sorte de coussin au bout des os et évite le frottement quand l'articulation plie ou subit un choc.

Le système de défense des colonies d'insectes sociaux fonctionne comme notre système immunitaire. À l'instar de nos cellules, ces insectes savent discriminer et rejeter tout individu étranger.

Pour les élèves, les cours ne sont que des pièces de casse-tête qui ne sont pas encore assemblées.

Dans la vie courante, toute information se limite à une donnée stérile si elle ne repose pas sur le jugement. Ainsi, un patient peut connaître les résultats de son test pour le cholestérol et un investisseur la performance de ses actions à la bourse, mais ils doivent dégager le sens de ces données et faire appel à des spécialistes pour interpréter ces dernières. À l'instar de ces exemples, les résultats chiffrés lors des examens de rendement ne sont pas des jugements et ils nécessitent une interprétation.

La professeure ou le professeur est un jardinier ou une jardinière qui n'essaie pas de pousser à la place de ses plantes. (U. Alwin)

La métaphore

La métaphore est un procédé littéraire qui permet, grâce à son pouvoir évocateur, de «colorer» votre propos, de lui donner du style. Il consiste à effectuer un transfert de sens par substitution analogique. Son emploi est vivement recommandé, mais il ne faut pas en abuser.

EXEMPLES

La notion du gros ordinateur centralisé uniquement accessible au spécialiste va céder la place à celle de l'ordinateur personnel et mobile, que s'approprie l'individu. Les graines de l'informatique nomade contemporaine sont semées.

La maladie de la vache folle s'est propagée comme un feu d'étable dans le cheptel bovin britannique.

Les cils des cténophores servent à capturer des larves ou tout autre auto-stoppeur imprudent.

Quand les premiers organismes marins se sont armés d'une carapace pour faire face à leurs prédateurs, ces derniers se sont offerts des pinces suffisamment efficaces pour venir à bout de la protection de leurs proies. C'est la course aux armements!

La cellule végétale serait née d'une cellule hôte ayant adopté des squatters, des algues à photosynthèse qui se seraient transformées en chloroplastes.

Les élèves intègrent les connaissances «bouchées par bouchées».

Il y a un kaléidoscope d'obstacles à l'apprentissage qui limitent les élèves ou les empêchent d'intégrer ou de faire le transfert des acquis.

La formule

Avoir le sens de la formule vous permet de résumer votre pensée en quelques mots de façon élégante et attrayante. Une bonne formule produit toujours de l'effet. Certaines sont même devenues célèbres, comme On ne naît pas femme, on le devient de Simone de Beauvoir.

EXEMPLES

Quand on s'endort dans le lit d'un éléphant, il ne faut pas prendre de somnifères (formule illustrant les dangers d'habiter dans une zone inondable).

Nous sommes passés de la religion catholique à la religion cathodique (formule dénonçant l'envahissement de l'informatique dans nos vies).

Du virage technologique au vertige technologique (après avoir intégré les technologies, voilà que nous sommes submergés par celles-ci).

Ces jeunes s'engagent dans leurs études, les «yeux grands fermés». (Ils ont les yeux grands parce qu'ils désirent réussir leurs études et s'y investir, mais ils ont aussi les yeux fermés car ils ont de la difficulté à se projeter dans l'avenir).

[début de la p. 34 du texte original]

L'humour

Un peu d'humour ne fait jamais de mal. Pourquoi, alors, ne pas s'en servir à l'occasion? Votre propos n'en sera que plus léger et par le fait même plus facile à assimiler. Il sera aussi plus vivant et, là encore, plus attrayant.

EXEMPLES

Ces animaux consomment des farines de viandes préparées renfermant toutes sortes de bonnes choses, des carcasses.

Inculquer des connaissances abstraites à partir de conceptions oiseuses représente la meilleure façon de s'isoler dans une tour d'ivoire et d'enseigner dans le vide sidéral incarné par des visages hagards de jeunes livides.

L'anecdote

Vous est-il arrivé des événements cocasses ou étonnants dans votre laboratoire, sur le terrain ou ailleurs? Le récit de ces anecdotes rendra votre propos plus personnel et moins abstrait. Rappelez-vous que l'important en vulgarisation scientifique est de raconter une histoire.

Les trucs utiles

- Quand vous expliquez vos recherches, imaginez que vous vous adressez à un conseiller pédagogique ou à une personne enseignant dans une autre discipline que la vôtre. Vous pouvez aussi vous imaginer vous adressant à votre mère, à votre cousin ou à un voisin. Cette façon de procéder vous aidera à retenir l'information la plus importante et la plus accrocheuse.

- Employez de préférence la forme active (à titre d'exemple, mieux vaut dire que les élèves intègrent les connaissances, plutôt que les connaissances sont intégrées par les élèves). Cette forme est plus directe, plus vivante.

- Mettez vos talents de vulgarisateur à l'essai auprès de votre entourage et non de vos pairs ou d'experts de votre domaine de recherche. Faites lire votre article à des non-spécialistes, faites-leur écouter votre présentation; vous verrez bien s'ils vous suivent ou s'ils décrochent.

- Lisez des ouvrages ou des articles expliquant les enjeux de la pédagogie d'aujourd'hui. Dans le même esprit, écoutez des émissions de vulgarisation à la télévision ou à la radio. Vous aurez ainsi une excellente façon de vous familiariser à la vulgarisation.

Des lectures incontournables en recherche

Nous vous suggérons deux autres lectures aptes à instiller le goût de la recherche. Ces lectures ont trait à la façon de présenter de manière stimulante et dans un langage accessible les résultats de ses propres recherches.

SOPHIE MALAVOY, Guide pratique vulgarisation scientifique, Montréal, ACFAS, 1999, 38 p.

SUZANNE GRENIER ET SYLVIE BÉRARD, SOUS LA DIRECTION DE SOPHIE MALAVOY

Guide pratique de communication scientifique, Montréal, Association francophone
pour le savoir, 2002, 47 p.

Luc Desautels, professeur de philosophie, chercheur au Cégep régional de Lanaudière à L'Assomption et secrétaire de l'Association pour la recherche au collégial - luc.desautels@collanaud.gc.ca